Traverser la cendre

Objets de compassion, les victimes ne sont généralement pas perçues comme des sujets de l’histoire

« tu portais les corps nus dans les flammes.
tu sortais les cendres après les flammes
faire des tas avec les cendres
tu étais Sonderkommando prisonnier du commando spécial des camps d’extermination,

choisi par les Nazis pour assurer le fonctionnement des chambres à gaz.
et à ton tour évacué exécuté et brûlé pour que tu ne puisses jamais raconter

parmi vous les écraseurs d’os

pilonner les résidus reconnaissables comme os humains

les briser pas plus gros que des graviers.
les confondre à la terre.

tu racontes »

Persécutés et déshumanisés, ils ont écrit, puis enterré leurs mots, scellant leurs témoignages dans la terre. Résistant pour que survive leur parole afin qu’un jour nous puissions déterrer l’indicible, entendre l’inaudible, saisir l’effroyable et affronter l’horreur. Michel Simonot convoque les morts dans un poème tragique et bouleversant comme le chant immortel des victimes de la Shoah.

Par le geste de dire, la metteuse en scène Nadège Coste sublime la langue de ce texte brûlant, à la fois humble et monumental. Par la vigueur du corps et du souffle de l’actrice Laetitia Pitz. Et par un théâtre qui met en scène ce qu’il dit, seul chemin possible pour traverser la cendre et parvenir à nous.